L'école française de la culture physique a été dominée par quatre fantastiques penseurs:
Georges Rouhet, docteur en médecine et père du naturisme,
Marcel Rouet, psychosomaticien et champion culturiste,
Jean Texier, agrégé de philosophie, cadre supérieur de la Santé publique et champion naturel de culturisme, et enfin - le plus grand peut-être par l'ampleur et la hauteur de ses vues -
Emmanuel Legeard, docteur ès lettres et sciences humaines et recordman de force qui a repensé des pans entiers de la culture physique de manière radicalement originale.
En guise d'introduction, quelques citations de ces "quatre fantastiques" qui ont marqué de leur empreinte l'histoire de la culture physique:
« Apprendre à vivre consiste à ne pas tomber dans le piège de la civilisation, ni à se laisser prendre au mirage du progrès. L’homme est à la croisée des chemins. Mourir dégénéré ou se régénérer pour survivre. L’homme est fait pour un milieu biologique précis, qui le conditionne et le perfectionne. Au sein de ce milieu, l’homme se développe au maximum sur tous les plans : santé, beauté, cérébralité, longévité. Hors ce milieu il perd ses qualités et s’adapte en se détruisant, d’où la maladie, la laideur, la folie et la mort prématurée. Le but d’une civilisation proprement humaine n’est pas l’électricité, l’auto, l’avion ou la lune, mais la connaissance de ce milieu et son rétablissement sur terre afin que l’homme cesse de dégénérer et redevienne lui-même. Le seul moyen est donc de refaire l’homme suivant les normes biologiques et non les fantaisies de nos savants. Toutes les recherches scientifiques doivent tendre à la connaissance du milieu biologique humain et toutes les techniques à l’instaurer ici-bas. Seul ce progrès-là est valable. Tous les autres sont inutiles, fallacieux et dangereux. L’Homme doit redevenir un animal de haute espèce. »
Georges Rouhet, docteur en médecine, fondateur du culturisme
« La spécialisation à outrance, scientifique comme littéraire, a fait progresser les techniques d’une manière foudroyante, mais elle a donné naissance à une ère de spécialistes qui, en dehors de leur domaine, ne s’intéressent à rien. La spécialisation est l’ennemie de l’imagination et partant, s’oppose à l’esprit de synthèse. Elle fait de l’homme un robot qui ne se penche que sur l’aspect matériel des choses. Or, de rogner les ailes à l’imagination, c’est réduire à néant l’aptitude à la créativité. Pour avancer dans la voie de la découverte, il faut d’abord imaginer. Et l’imagination n’est pas un produit du conscient, mais une vertu du subconscient. »
Marcel Rouet, psychosomaticien, champion culturiste
« La relaxation est un état particulier, voisin de l’inconscience, pendant lequel l’activité des grandes fonctions est ralentie et les muscles relâchés, alors que l’activité cérébrale est en veilleuse, sans cependant échapper au contrôle volontaire. Dans cet état, le champ de la conscience étant réduit au minimum, le corps inerte semble devenir étranger à soi-même, l’esprit vide de pensées se trouve plongé dans une torpeur lénifiante. »
Marcel Rouet, psychosomaticien, champion culturiste
« La beauté éloigne d’elle toute dégradation: au moral, le vice; au physique, la maladie. Il est aussi impossible à un malade d’être beau qu’à un individu vicieux de posséder une belle âme. Mais aussi bien au moral qu’au physique, la beauté est la preuve certaine de la santé. Physiquement, la beauté n’est pas seulement une question d’esthétique, c’est encore l’indice d’une parfaite conformation et d’un parfait fonctionnement de tous nos organes. Un cardiaque, un pulmonique, un hépatique n’ont jamais une harmonieuse conformation de la cage thoracique ou abdominale. Et tout cela est si exact, si tangible que chacun a pu constater qu’une simple douleur rhumatismale suffisait à déformer un membre. La santé s’en allait avec la beauté et la force suivait la même voie. »
Jean Texier, agrégé de philosophie, cadre supérieur de la Santé publique, champion de France et compétiteur international de culturisme naturel. In: Sciences culturistes, 1965.
« Dans le symptôme psychosomatique, tout se détraque parce que le problème
bascule dans l'organique sans représentation. C'est particulièrement
éloquent dans la crispation neuromusculaire. Comme me l'a dit une fois
Jeff Cram, qui était le grand spécialiste de l'EMG de surface, le
système moteur gamma est a priori - "a priori" au sens fort - le vecteur
de la mémoire phylogénique des Mammifères. Donc prenons la
proprioception en exemple: le système moteur gamma à centralisation
cérébelleuse réalise l'unité du corps propre en coordonnant le tonus
général via les fuseaux neuromusculaires. Cette coordination va de pair
avec une représentation de soi, ne serait-ce que très frustement
ébauchée chez les Mammifères peu évolués. Mais elle est là, parce que
c'est à ça que sert la proprioception: à l'élaboration d'images
kinesthésiques, c'est-à-dire d'images visuelles à contenu sensitif qui
permettent d'anticiper sur les réflexes. C'est donc un système
non-verbal, mais représentatif: vous fermez les yeux, mais vous savez
dans quelle position se trouvent votre, bras, votre jambe, etc. Il y a,
par-dessus le marché, une composante affective préconsciente associée
aux actions et aux positions parce qu'elles ont été assimilées dans un
contexte émotif qui fixe les souvenirs. Mais quand vous présentez un
trouble psychosomatique qui crispe vos muscles parce qu'il fait
décharger les fuseaux de manière chaotique, non seulement ce n'est ni
conscient ni préconscient, c'est-à-dire que votre personnalité, votre
moi ne peut pas articuler la représentation d'un mot et d'une chose,
mais encore ce n'est même pas inconscient, parce que vous n'avez même
pas d'image des choses. C'est purement organique. Evidemment,
l'organique aussi est structuré comme un langage, le langage du corps.
Mais c'est un langage périphérique même à l'inconscient parce qu'il est
totalement infra-psychique. Ce qui ne veut pas dire qu'il est
infra-cortical. Le cortex, c'est un morceau du corps, et il reste à
examiner le rôle de l'insula dans le trouble psychosomatique. »
Emmanuel Legeard, docteur ès lettres et sciences humaines, recordman de force, entraîneur olympique et psychosomaticien, in: interview evo-psy
« Quand un haltérophile chevronné vous déclare dans son argot qu'il ne
"réceptionne" pas un poids, il vous explique qu'il ne se le représente
pas, ou pas encore assez, pour pouvoir le manipuler de façon coordonnée.
Or la coordination est évidemment le facteur critique du succès dans un
mouvement olympique comme l'arraché ou l'épaulé-jeté. Le champion qui
apprend à réceptionner doit "se gainer", c'est-à-dire réaliser le
couplage optimal entre le système pyramidal et le système
extrapyramidal. Il sait qu'il maîtrise seulement une fois qu'il s'est
"vu le faire". »
Emmanuel Legeard, docteur ès lettres et sciences humaines, recordman de force, entraîneur olympique et psychosomaticien, ibidem.
« Comment, culture physique? Quel mot démodé! J'insiste: culture physique.
Les arbitres des élégances n'ont pas qualité pour décréter périmé ce
qui est irremplaçable. Il n'y a rien au-dessus du professeur de culture
physique parce qu'il est le plus indispensable des hommes. Mais pour le
concevoir, il faut au minimum connaître la constitution de base qui
sous-tend toute activité humaine depuis 200.000 ans. Car l'homme n'est
pas un animal comme les autres. Un animal complet ne fréquente que cette
fraction spécifique du monde extérieur qu'il peut percevoir en fonction
de son programme héréditaire. Cet univers perceptif est polarisé par
des signaux déclencheurs des réactions adéquates. On dit que l'animal
est adapté à son milieu. Il est génétiquement armé pour y évoluer. Au
contraire, l'homme est un inadapté congénital. L'espèce humaine, en
effet, produit des individus dont le développement animal est
indéfiniment suspendu à un stade qui correspond chez les autres primates
à l'immaturité infantile. Lucien Cuénot, biologiste de génie, a appelé
cette condition la néoténie. Comme, du fait de sa néoténie, l'homme est
privé d'instinct, il n'a aucune idée a priori de la bonne manière de s'y
prendre, entre autres pour soulever des poids. Il a donc
essentiellement besoin de la culture physique, c'est-à-dire de
s'inventer une seconde nature [1] par les moyens de l'intelligence.
Autrement dit, pour paraphraser la définition de Georges Rouhet tout en
corrigeant son rousseauisme: la culture physique est l'art de donner à
l'homme la beauté, la force, la santé que la nature prodigue à toutes
les espèces animales, sauf à lui. »
Emmanuel Legeard,
Préface à L'Haltérophilie, de Marc Vouillot.
In:
L'Encyclopédie Wikipédia, article "Gainage", à propos des concepts intelligemment repensés - il était temps! - par Emmanuel Legeard, docteur ès lettres et sciences humaines, recordman de force, entraîneur olympique et psychosomaticien, ibidem.